Qui a profité des 6,4 milliards d'euros de perte de débouclage de la Société Générale ?
Who benefited from the 6,4 billions of euros of loss in the Societe Generale and Jerome Kerviel fraud ? (for english, please use translator tool)
Cet article ne prétend pas apporter des révélations fracassantes sur le sujet. Néanmoins, des pistes d'analyse ont été explorées pour tenter d'approfondir le sujet.
N'hésitez pas à commenter, à critiquer, à apporter des corrections.
Retour sur les données chiffrées
Entre le 21 et le 23 janvier 2008, la Société Générale a soldé, dans des conditions de marché défavorables, les positions non-autorisées prises par Jérôme Kerviel entre le 2 et le 18 janvier 2008.
Ces positions s'élevaient à 49 milliards d'euros selon la Société Générale.
Selon l'auteur du livre "Fraude à la Société Générale ? Compléments d'enquête", 49 milliards d'euros représenteraient la situation nette des positions le 18 janvier au soir. Les positions brutes s'élèveraient en fait à 51,8 milliards d'euros selon les estimations de l'auteur.
La décomposition des positions brutes du trader serait la suivante :
- Future DJ Eurostoxx 50 : 786 970 contrats, 31,6 milliards d'euros
- Future DAX : 89 955 contrats, 16,6 milliards d'euros
- Future Footsie 100 : 14 751 contrats, 1,1 milliards d'euros
sur un total de 49,3 milliards d'euros.
Le future DJ Eurostoxx 50 (FESX) et le future DAX (FDAX) sont échangés à la chambre de compensation d'Eurex, le future Footsie 100 est échangé au Liffe à Londres.
Sachant que la perte de 6,4 milliards d'euros est quasiment imputable aux futures DAX et DJ Eurostoxx 50, le future FTSE ne sera pas développé.
Un jeu à somme nulle
Problématique du gain pour les contreparties
Le mécanisme d'achat-vente de tels futures implique qu'il s'agit d'un jeu à somme nulle.
Un future est un contrat à terme standardisé permettant de s'assurer ou de s'engager sur un prix pour une quantité déterminée du sous-jacent à une date future.
Lorsque Jérôme Kerviel a parié à la hausse sur le DAX en achetant par exemple le 10 janvier 2008 x contrats de future DAX échéance Mars 2008 au cours du 10 janvier, il existe une contrepartie qui elle à parié à la baisse sur le DAX. La contrepartie s'est-elle engagée à livrer du DAX au cours du 10 janvier. Comme du 21 au 23 janvier 2008 le cours du future DAX a baissé sensiblement par rapport au cours du future DAX du 10 janvier, cette contrepartie était alors en situation de bénéfice.
Si les contrats de futures de la Société Générale ont été dénoués avec cette même contrepartie entre le 21 et le 23 janvier 2008, alors cette contrepartie a réalisé son bénéfice directement avec la Société Générale.
Mais peut-être que cette contrepartie a dénoué plus tard ses contrats, et qu'une autre contrepartie est intervenue entre le 21 et le 23 janvier 2008 pour racheter les contrats de la Société Générale.
En tout état de cause, les contreparties entre le 2 et le 18 janvier 2008 de la Société Générale ont toutes les chances d'avoir été gagnantes.
Il est tout de même intéressant d'étudier l'évolution du cours du future DAX et du future FESX échéance Mars 2008 jusqu'à son dénouement.
Le dernier jour pour échanger des futures DAX et DJ Eurostoxx 50 pour l'échéance Mars 2008 était le 20 mars 2008.
On observe que le plus bas de la période du 2 au 18 janvier était pour le FDAX de 7 342,5 euros le 18 janvier, qui constitue un plus haut par rapport à la période du 21 janvier au 20 mars 2008.
On observe que le plus bas de la période du 2 au 18 janvier était pour le FESX de 4 001 euros le 18 janvier également, qui constitue un plus haut par rapport à la période du 21 janvier au 20 mars 2008.
Par conséquent, une contrepartie des positions de Jérôme Kerviel du 2 au 18 janvier 2008 était forcément gagnante si elle a été dénouée après le 18 janvier 2008.
Méthodes pour déterminer qui a gagné là où la Société Générale a perdu 6,4 milliards d'euros
Il y a plusieurs méthodes permettant de chercher à savoir à qui a profité ces 6,4 milliards d'euros.
1) Méthode d'interrogation d'Eurex
La chambre de compensation où sont échangés les futures DAX et DJ Eurostoxx 50 sait à l'euro près quelles contreparties en ont bénéficié. Mais Eurex ne souhaite pas communiquer sur des données qui concernent ses clients.
Comme pour les autres sociétés concernées (Société Générale, Ernst & Young, Deloitte), sans doute que le sujet a été minutieusement verrouillé en interne.
Si néanmoins un initié souhaitait m'en dire davantage, qu'il n'hésite pas à me contacter.
En revanche, pourquoi la justice française ne pose-t-elle pas la question par voie officielle à Eurex ?
En effet, à supposer qu'il y ait eu une action de concert entre les personnes qui ont manipulé les positions de la Société Générale et des tiers qui auraient bénéficié d'une partie de la perte de 6,4 milliards d'euros, il me semble pertinent de savoir précisément qui a gagné quoi et comment.
Les nombreuses fuites dans cette affaire n'ont pour l'instant pas concerné ce sujet.
La justice aurait-elle omis d'approfondir cette question ?
Il conviendrait d'ailleurs non seulement de savoir avec quelles contreparties les positions de JK ont été prises entre le 2 et le 18 janvier 2008, mais également pour l'ensemble des positions de la Société Générale. Ensuite, il conviendrait de savoir avec qui les contrats ont été débouclés entre le 21 et le 23 janvier 2008, de même que les autres positions de la Société Générale postérieurement. Bref, y a du boulot, mais le sujet me semble indispensable à traiter.
2) Méthode de revue des résultats trimestriels des principaux établissements financiers
Il aurait été tout de même intéressant de connaître quels acteurs sont présents sur FDAX et FESX à Eurex. Mais même cette information est difficile à obtenir.
Néanmoins, à supposer qu'un établissement financier ait profité de manière significative d'une partie de la cagnotte de 6,4 milliards d'euros, cela pourrait se voir dans ses résultats à fin mars 2008.
Cependant, la revue des résultats trimestriels des principales banques européennes et américaines ne donne rien de probant.
3) Méthode de revue des données des fonds d'investissement
On parvient à retrouver la trace de futures DAX et de futures DJ Eurostoxx 50 dans certains fonds, notamment du côté du Luxembourg et de la Suisse.
Exemple 1 :
SAL Oppenheim GREIFF Blue Chip OP (Luxembourg)
situation au 31 janvier 2008
FDAX prix d'achat 7 868,07 short (vers le 9 janvier donc ? ; gain potentiel de 166 K
€ ?)
FESX prix d'achat 4291,6 short (vers le 9 janvier donc ? ; gain potentiel de 24 K
€ ?)
Exemple 2 :
Zürcher KantonalBank suisse
situation au 31 mars 2008
achat vente de 20 FDAX 08 et de 2 635 FESX Mar 08
pour FESX à 4 000 euros cela représente un nominal de 2 635 fois 4 000 = 10,54 ME ?
semblent perdants ?
Je vais tenter d'en trouver d'autres.
Combien y-a-t-il de fonds d'investissement en Suisse et au Luxembourg ?
D'après le rapport annuel 2007-2008 de l'Association Luxembourgeoise des Fonds d'Investissement (ALFI), le nombre de fonds d'investissement s'élevait en janvier 2008 à 2 932 unités, pour 1 951 milliards d'euros d'actifs sous gestion.
D'après les statistiques mensuelles de janvier 2008 de Swiss Fund Data, le nombre de fonds d'investissement en Suisse s'élève à 2 974 pour un total géré de 583 milliards de francs suisse.
Dans le rapport annuel 2007-2008 d'ALFI, le classement au 31 décembre 2007 des 10 pays les plus importants en terme de fonds d'investissement en Europe montre que derrière le Luxembourg, la France, l'Allemagne, l'Irlande et le Royaume-Uni sont significatifs.
Si on totalise les actifs sous gestion en milliards d'euros au Luxembourg (2 059), en France (1 508), en Allemagne (1 041), au Royaume-Uni (799) et en Suisse (160), pays susceptibles d'investir sur Eurex, on obtient 5 567 milliards d'euros, dont 6,4 milliards représentent 0,1 % environ.
L'hypothèse d'une dilution dans les différents fonds d'investissement européens est par conséquent plausible.
Une limitation à cette hypothèse. Le nombre d'acteur sur Eurex est bien plus limité, certains acteurs ont pu tirer leur épingle du jeu de manière significative.