Article du Monde du 1 décembre 2008 "le juge Van Ruymbeke à Jérôme Kerviel "Pourquoi inventez-vous des histoires ?""
A la lecture de l'article de Claire Gatinois et Anne Michel le message est très probablement passé par les avocats de Jérôme Kerviel :
"Renaud Van Ruymbeke a manifesté une certaine impatience, proche de l'agacement, envers le trader".
Libération dans le camp des avocats de Jérôme Kerviel, Le Monde dans celui des avocats de la Société Générale. Il serait possible de compléter ce panorama des forces en présence, mais je préfère commenter certains passages de l'article.
Il semble que la stratégie des avocats de Jérôme Kerviel de convaincre le juge de la connaissance par la Société Générale des agissements du trader se heurte à certaines limites que mes travaux ont cerné.
Tout d'abord, ce n'est pas parce que des alertes ont montré des anomalies que les responsables étaient au courant. Les avocats de JK ont opté pour tenter de montrer que des supérieurs de JK étaient au courant dès le premier semestre 2007. Personnellement je ne crois pas à cette version des faits.
En revanche, je persiste, il aurait fallu se concentrer sur les alertes d'Eurex de novembre 2007 et le fameux mail qu'Eric Cordelle n'aurait pas lu (concernant 6 000 contrats FDAX représentant près d'1 MdE) et dont il avait déclaré à la justice dans une déposition qu'il "aurait sauté au plafond".
C'est là où se tient une certaine logique : à cette période les opérations de JK dégageaient un gain substantiel, leurs supérieurs étaient sur le point d'en tirer profit par le résultat dégagé par JK fin 2007, même s'il ne représentait qu'une petite partie des 1,4 MdE ; si les supérieurs, s'ils avaient été au courant, et que les positions non-autorisées aient alors été connues au plus haut niveau, nul doute que de tels bonus aient alors été remis en question.
Eric Cordelle aurait "sauté au plafond". Sous-entendu, cela l'aurait tellement impressionné qu'il n'aurait pas manqué de passer à côté de ce qui se passait réellement ?
La question cruciale, puisqu'Eric Cordelle a affirmé qu'il aurait "sauté au plafond", c'est : l'a-t-il lu oui ou non ?
Comment croire qu'un tel mail n'ait pas été lu, alors qu'il est le supérieur hiérarchique direct de JK ? Sa réponse, qui consistait à botter en touche parce qu'il avait 200 à 300 mails par jour, n'était pas satisfaisante.
Tout cela figure dans mon livre.
Et c'est là où le juge Van Ruymbeke aurait pu s'agacer de la réponse d'Eric Cordelle, tout comme il semble s'être agacé de la réponse de JK.
Et plus généralement, se poser la question, mais qui l'a lu ce mail ? et de s'agacer des réponses de la SG.
Autres commentaires sur des passages de l'article
1)
"Le trader semble alors mis en difficultés quand le juge l'interroge : "Vous avez dit que Martial Rouyère (l'un de ses supérieurs) était au courant des dizaines de milliards de positions directionnelles que vous aviez prises en janvier 2008..." "Je ne suis pas sûr qu'on ait parlé de ces engagements (...)", dit M. Kerviel."
JK pense probablement aux engagements du troisième trimestre 2007, ce qui serait cohérent avec ce que je viens d'écrire plus haut.
2)
"L'échange se poursuit, en conséquence, sur les fameuses alertes qui auraient dû permettre à la direction de la Société générale à mettre fin à ses agissements. Mais, "en réponse à ces contrôles, vous avez fourni de fausses explications, rappelle le juge. Cela vous a permis de continuer à masquer vos positions et surtout la perte que vous subissiez à l'époque. (...) Pourquoi n'avez-vous pas tout simplement dit la vérité ?""
Selon moi c'est différent de cacher à ses supérieurs ou de cacher aux plus haut dirigeants et au Directeur Financier par exemple. Personne n'avait compris selon moi à partir des alertes internes déclenchées. Comme déjà expliqué dans ce blog, sans dissimulation, la Direction Financière aurait compris et tout se serait arrêté fin juin 2007.
N'hésitez pas à réagir surtout si vous n'êtes pas d'accord.