Attribution de stocks-options à des dirigeants de la Société Générale. Non-respect de 2 recommandations de l'AFEP MEDEF
Le scandale de l'attribution de stocks options à des dirigeants de la Société Générale : Bouton, Oudéa. Non-respect de 2 recommandations de l'AFEP MEDEF.
Le scandale de l'attribution de stocks options à des dirigeants de la Société Générale : Bouton, Oudéa. Non-respect de 2 recommandations de l'AFEP MEDEF.
Dans un communiqué de presse du 18 mars 2009, la Société Générale annonce que le Conseil d'administration du 9 mars 2009 a approuvé un nouveau plan de stock options Société Générale, dont l'intégralité (c'est sur ce point que la conformité avec le code de gouvernement d'entreprise de l'AFEP/MEDEF serait respecté, en apparence seulement, voir la dernière partie de l'article) est soumis à des conditions de performance.
Les haut dirigeants bénéficiaires de ce plan sont :
- M. Bouton, Président, 70 000 stock-options conditionnelles ;
- M. Oudéa, Directeur Général, 150 000 stock-options conditionnelles ;
- M. Alix, Directeur Général Délégué, 50 000 stock-options conditionnelles ;
- M. Cabannes, Directeur Général Délégué, 50 000 stock-options conditionnelles.
Le 6 mars 2009 (dernier jour ouvré avant la tenue du Conseil d'administration du 9 mars), le cours de la Société Générale a clôturé à 19,84 euros, proche du plus bas de l'année, atteint dans la séance du 9 mars 2009 avec 18,36 euros.
Le prix d'exercice des options (moyenne des 20 cours de clôture précédant le CA du 9 mars) s'élève à 24,45 euros, ce qui est exact.
Par conséquent, hier, le cours de la Société Générale clôturant 27,91 euros, le gain latent sous condition pour M Bouton et pour M Oudéa s'élève respectivement à 242 000 et 519 000 euros. En quelques jours.
Frédéric Oudéa ne mérite ni sa promotion de Directeur Général, ni l'attribution de stocks options
En 2008, en raison de l'affaire Kerviel, aucune stock option n'avait été attribuée à Daniel Bouton, mais Frédéric Oudéa, Directeur Financier au moment du déroulement de la fraude Kerviel, et peu avant sa promotion le 17 mars 2008, s'était vu attribuer 50 000 options selon le plan du 21 mars 2008.
Au moment de la nomination de Frédéric Oudéa, je n'ai pas vu grand monde s'insurger contre la promotion d'un dirigeant dont l'une des responsabilités principales consistant à établir les états financiers du Groupe s'était révélée être un échec, puisque les comptes de la Société Générale étaient faux tout le long de l'exercice 2007 !
Le contrôle interne s'était avéré défaillant, touchant de nombreux services de la Direction Financière.
J'avais donc réagi dans un article publié le 15 mai 2008 sur le site du Monde "Frédéric Oudéa, le lauréat", par Anne Michel, cet article est aujourd'hui en accès payant http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=1036007&clef=ARC-TRK-NC_01.
Extrait de ma réaction :
"Les comptes de la Société Générale au 30 juin 2007 étaient faux de près de 2 milliards d'euros. Un salarié opérationnel a réussi en effet à masquer 2 milliards d'euros de pertes latentes dans les comptes. Le processus d'établissement des états financiers de la société n'était donc pas fiable. Comment est-il alors possible que le Directeur financier soit promu ?
Plus de détails dans le livre "Fraude à la Société Générale ? Compléments d'enquête" sur Amazon. Olivier Fluke"
Et, dans la deuxième édition de mon livre, fin mai 2008, en page 120 :
"Le Directeur Financier du Groupe, Frédéric Oudéa, qui avait été promu directeur général délégué il y a un mois, prend à nouveau du galon en étant nommé Directeur Général.
Selon l’article, les marchés auraient apprécié ces changements à la tête de la Société Générale, le titre gagnant 2 % le matin de l’annonce.
On se demande bien pourquoi les marchés apprécient.
Le Directeur Financier porte pourtant une responsabilité essentielle dans la production des états financiers.
Or, si les informations publiées par la Société Générale sont bien exactes, les comptes au 30 juin 2007 étaient faux de près de 2 milliards (en moins). Parce qu’un opérationnel était parvenu à dissimuler ses pertes.
Comment est-il possible de promouvoir quelqu’un qui avait une responsabilité essentielle dans quelque chose qui a failli ?"
Sur mon blog, j'ai régulièrement dénoncé la promotion de celui qui était Directeur Financier au moment de la fraude.
Je ne m'étais pas rendu compte que Frédéric Oudéa avait bénéficié de stocks option en 2008, ce qui me paraît proprement scandaleux.
Traders et dirigeants qui se voient attribuer des stocks-options en marché baissier, même logique
De nombreux dirigeants politiques français expliquent que la crise seule et non leur mauvaise gestion est à l'origine des mauvais résultats économiques, de la hausse du chômage.
Dans une même logique, les dirigeants des établissements bancaires imputent les mauvais résultats d'aujourd'hui à la crise.
Mais lorsque les cours de Bourse remonteront et que les résultats s'amélioreront, tous ces dirigeants vont s'enorgueillir et clamer sur tous les toits qu'ils en sont les artisans principaux.
Ainsi, ces stock-options pourraient permettre (sous condition) aux dirigeants de la Société d'en tirer profit.
Mais ce qui est sûr, c'est que la baisse de 2008 (réelle pour les actionnaires) n'est pas venue amputer leurs rémunérations de manière significative.
Le 31 décembre 2007, le cours ajusté de la SG s'élevait à 97,58 euros. Le 23 janvier 2008, veille de l'annonce de la fraude, il s'élevait à 78 euros. Le 14 mars 2008, veille de la promotion de Frédéric Oudéa comme Directeur Général, le cours de clôture ajusté s'élevait à 67,81 euros. Et c'est maintenant sur la base de 24,45 euros qu'on été attribuées 150 000 stocks options, soit une décote de près de 64 % par rapport au 17 mars 2008 !
C'est la même logique que les traders : prise de bonus quand ça sourit, pertes pour les autres en cas inverse.
Les soi-disant discours de moralisation des pratiques financières sont par conséquent vains. L'avidité continue à présider aux destinées.
Pourquoi les hausses éventuelles à venir depuis 2009 du cours de Bourse de la Société Générale devraient permettre à certains haut dirigeants d'en bénéficier alors que les baisses de 2008 n'ont pas l'effet inverse sur la rémunération de ces mêmes dirigeants ?
Pourquoi ne pas émettre des stock-options négatifs ?
Actionnaires de la Société Générale (ou d'autres sociétés ayant les mêmes pratiques), sanctionnez donc ces pratiques à la prochaine Assemblée Générale. Sinon, restez à l'écart.
Point à mettre au crédit de la Société Générale tout de même, la permanence de la méthode, puisque les conditions de performance sont semblables du plan 2008 au plan 2009, excepté sur la linéarité (en 2009) de la progression des attributions entre bornes basse et haute avec des bornes de -15 et +15 points par rapport à la médiane des pairs. De même la période d'attribution en 2009 est analogue à 2008, même si l'évolution des cours de Bourse actuelle peut laisser penser à un point bas. Toutefois nul ne sait si les points bas actuels ne seront pas enfoncés par la suite.
La Société Générale respecte-t-elle les recommandations AFEP MEDEF ?
Dans son plan de stocks-options 2009, la Société Générale, comme en 2008, soumet l'intégralité de leur attribution à des conditions de performances, qui serait en conformité avec le code de gouvernement d'entreprise de l'AFEP / MEDEF.
De quelle condition s'agit-il ?
condition de performance : relative au Total Shareholder Return (TSR) annualisé du titre Société Générale (variation du cours de Bourse et dividende capitalisé) constaté sur 3 ans par rapport à la médiane des TSR annualisés d'un panel de 14 banques
variation du cours de Bourse = variation entre
1) la moyenne arithmétique des cours de clôture observés sur les jours de Bourse ouvrés du 1er octobre au 31 décembre 2007
2) la moyenne arithmétique des cours de clôture observés sur les jours de Bourse ouvrés du 1er octobre au 31 décembre 2010 inclus
médiane des TSR annualisés d'un panel de 14 banques = moyenne arithmétique du TSR annualisé de la 7 ème banque et du TSR annualisé de la 8 ème banque du panel
échantillons de référence du panel = 14 plus importantes capitalisations bancaires de l'Espace Economique Européen et de Suisse
Dans le document d'octobre 2008 du Medef et de l'AFEP, "Recommandations sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux de sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé", plusieurs recommandations apparaissent :
- existence d'un autre dispositif si l'attribution d'options (4 dirigeants cités dans le communiqué de presse du 18 mars 2009 de la Société Générale) ne bénéficie pas à l'ensemble des salariés : recommandation respectée avec le plan d'attribution d'actions gratuites à 4 803 salariés en 2009 ;
- "veiller à ce que les options et actions valorisées aux normes IFRS ne représentent pas un pourcentage disproportionné de l'ensemble des rémunérations, options et actions attribuées à chaque dirigeant mandataire social" : recommandation non respectée !
En effet, sur trois ans, on observe que le cours de bourse était bien plus élevé. Or, par exemple, à supposer que les options puissent être exercées avec le cours de clôture du 17 mars 2008 (jour de l'annonce de la promotion de Frédéric Oudéa), soit 62,17 euros, le bénéfice potentiel s'élève à 5,7 millions d'euros pour le seul Frédéric Oudéa, alors que sa rémunération fixe annoncée dans le document de référence 2009 est de 850 000 euros. C'est disproportionné !
Un actionnaire qui aurait acheté une action de la Société Générale le 17 mars 2008 jour de la promotion de Frédéric Oudéa et dont le cours de Bourse aurait retrouvé son niveau d'alors ne pourrait que constater qu'il n'aura rien perdu. Frédéric Oudéa, lui, pourrait potentiellement encaisser 5,7 millions d'euros.
Lamentable !
- "éviter une trop forte concentration de l'attribution sur les dirigeants mandataires sociaux" : recommandation respectée selon moi si on compare les 320 000 stock options sous conditions attribuées en 2009 aux 4 haut dirigeants et les 3 millions d'actions gratuites accordées sous condition à 4 803 salariés du Groupe.
- "procéder à des attributions aux mêmes périodes calendaires" : recommandation respectée selon moi.
- "prohiber les effets d'aubaine tenant à un marché baissier" : très tendancieux selon moi, dans la mesure où la baisse est de nature exceptionnelle, l'effet d'aubaine tenant à un marché baissier est intrinsèque à cette période ; dans ce contexte, le Conseil d'administration de la Société générale aurait dû s'abstenir de voter une telle résolution.
- "lier l'exercice .. de la totalité des options ... à des conditions de performance à satisfaire sur une période de plusieurs années consécutives" : options exerçables au bout de 3 ans, période de détention obligatoire de 4 ans, recommandation respectée.
- "ces conditions devant être sérieuses et exigeantes" : si début 2012, la performance constatée de la Société Générale devait être au niveau de la médiane de ses pairs, 50 % des options seraient perdues ; 100% des options perdues si la performance est inférieure de 15 points à la médiane, 100 % des options acquises si la performance est supérieure de 15 points à la médiane. Difficile à évaluer si la recommandation Afep Medef est respectée.
- "et combiner conditions de performances internes à l'entreprise et externes, c'est-à-dire liées à la performance d'autres entreprises, d'un secteur de référence" : recommandation non respectée, car il n'y a pas de condition de performance interne, seulement externe (médiane des TSR annualisés d'un panel de 14 banques = moyenne arithmétique du TSR annualisé de la 7 ème banque et du TSR annualisé de la 8 ème banque du panel).
En conclusion, selon mon analyse, la Société Générale ne respecte pas 2 recommandations de l'AFEP MEDEF sur les points suivants :
- veiller à ce que les options et actions valorisées aux normes IFRS ne représentent pas un pourcentage disproportionné de l'ensemble des rémunérations, options et actions attribuées à chaque dirigeant mandataire social ;
- combiner conditions de performances internes à l'entreprise et externes, c'est-à-dire liées à la performance d'autres entreprises, d'un secteur de référence.