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Fraude à la Société Générale ? Compléments d'enquête Livre
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28 juin 2016

Débouclage par la Société Générale. La contrainte de 10 % intenable à priori, comment expliquer l'engagement de la banque ?

article complété le 6 juillet 2016

Reprenons l'affaire Kerviel Société Générale à son tout début concernant le débouclage car une anomalie majeure n'a, sauf erreur de ma part, jamais été mise en avant à ce jour.

Dans une note explicative du 27 janvier 2008, la Société Générale explique que le débouclage de la position doit démarrer le 21 janvier 2008 de façon contrôlée et en demeurant dans les limites de volumes inférieures à 10 % afin de respecter l'intégrité des marchés.

Un tableau de % des volumes des positions débouclées sur les marchés d'indices futures concernés est fourni.

tableau volumes débouclage

Le communiqué précise que la position a été complètement fermée ou couverte le 23 janvier au soir.

Dans le rapport de la Commission bancaire de mars 2008 non rendu public, il ressort en effet que la liquidation de la position longue sur le future Dax a nécessité deux jours supplémentaires. 10 000 contrats Dax restaient le mercredi 23 janvier 2008, couverts par une position courte sur les futures Eurostoxx.

http://cordonsbourse.blogs.liberation.fr/2008/11/19/dernire-auditio/

Les quantités de futures du rapport de la commission bancaire à déboucler à partir du lundi 21 janvier 2008 étaient les suivantes (chiffres identiques dans l'ordonnance de renvoi et dans l'arrêt de la Cour d'appel) :
- FDAX 99 924
- FESX 742 944
- FTSE 14 190

En appliquant les % communiqués par la SG aux volumes totaux publiés par Eurex pour FDAX et FESX on obtient :
- FDAX 89 956 soit 9 968 restant à déboucler, cohérent avec les chiffres du rapport de la Commission bancaire ;
- FESX 786 970 soit 44 026 en plus que le total initial, cohérent avec le fait que des positions supplémentaires ont été prises sur les futures Eurostoxx pour couvrir les futures Dax non débouclés.

Jusque-là tout va bien.

Intéressons-nous maintenant aux conditions dans lesquelles la Société Générale s'était engagée auprès de l'Autorité des Marchés Financiers dans les délais de débouclage.

Dans l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel du 31 août 2009, en page 64 :

"Le PDG de la banque a informé le 20 janvier le Comité des Comptes ce ces positions et de sa décision de les clôturer, ainsi que le Gouverneur de la Banque de France et le Secrétaire Général de l'AMF."

"La banque a alors décidé, sur la base de l'article 233-2 du règlement général de l'AMF, de différer la publication jusqu'au 24 janvier au matin, avant l'ouverture du marché, tout en demandant la suspension de la cotation de son titre."

Implicitement, cela signifie que la Société Générale s'engageait à liquider les positions découvertes en 3 jours.

Michel Prada, président de l'Autorité des marchés financiers, était auditionné le mercredi 30 janvier 2008 par la commission des finances du Sénat :

"M. Michel Prada a insisté sur le fait qu'il n'avait pas formellement autorisé ce dénouement des positions, qui constituait une décision propre du président de la Société générale - lequel s'était engagé à communiquer sur trois aspects de l'affaire le jeudi 24 janvier - conforme à la dérogation prévue par le droit. L'AMF n'avait pas non plus participé aux négociations avec des établissements financiers portant sur la recapitalisation de la société. La problématique des risques financiers dans un marché globalisé n'offrait pas, selon lui, d'autre alternative que de permettre ce maintien du secret. Le marché avait, de la sorte, été mieux protégé que si une annonce brutale avait été faite et en l'absence de gestion rapide du débouclage des positions."

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20080128/fin.html

Une date de communication de l'affaire était bien fixée dès le dimanche 20 janvier pour le jeudi 24 janvier, ce qui signifiait que la Société Générale s'engageait à se débarrasser de son risque sur les marchés en 3 jours.

En respectant la condition des 10 % de volumes quotidiens.

Examinons alors les volumes du mois de janvier 2008 pour les futures Dax FDAX et futures Eurostoxx FESX :

Jour de trading    volumes totaux FDAX    volumes totaux FESX
2 janvier 2008           135 508                       924 726
3 janvier 2008           136 470                       818 778
4 janvier 2008           166 683                    1 245 512
7 janvier 2008           162 039                    1 163 505
8 janvier 2008           173 304                    1 217 739
9 janvier 2008           204 160                    1 369 762
10 janvier 2008         225 404                    1 489 028
11 janvier 2008         175 970                    1 326 463
14 janvier 2008         126 972                    1 045 651
15 janvier 2008         236 799                    1 831 302
16 janvier 2008         281 702                    2 217 392
17 janvier 2008         260 620                    2 239 853
18 janvier 2008         294 821                    2 448 262
21 janvier 2008         411 701                    3 471 128
22 janvier 2008         538 320                    4 351 188
23 janvier 2008         445 223                    3 558 098

Ce qui saute aux yeux, c'est l'explosion des volumes échangés :
- d'une part entre le 15 et le 18 janvier 2008 relativement aux jours précédents ;
- d'autre part les 21 22 et 23 janvier, jours de débouclage.

Pour FDAX, les 13 premiers jours de trading du mois de janvier 2008 (du 2 au 18) montrent une moyenne de 198 496 quantités par jour, soit 595 489 quantités sur 3 jours. 10 % de ce dernier chiffre représente 59 549 quantités. Bien loin des quantités à déboucler, qui elles représentent 16,8 % du total.

Pour FESX, les 13 premiers jours de trading du mois de janvier 2008 (du 2 au 18) montrent une moyenne de 14 87 536 quantités par jour, soit 4 462 609 quantités sur 3 jours. 10 % de ce dernier chiffre représente 446 261 quantités. Bien loin des 742 944 quantités à déboucler, qui elles représentent 16,6 % du total.

Comment la Société Générale a pu s'engager à respecter une contrainte de 10 % sur les marchés alors que les quantités à déboucler de futures Dax et futures DJ Eurostoxx 50 représentaient 16,8 et 16,6 % des volumes observés jusque-là en janvier 2008 ?

Même en ne considérant que les 3 journées qui précèdent les plus volumineuses (les 16 17 et 18 janvier) :

Pour FDAX, les 16 17 et 18 janvier 2008 totalisent 837 143 quantités. 10 % de ce dernier chiffre représente 83 714 quantités. Pour 99 924 quantités à déboucler, qui elles représentent 16,8 % du total. Soit théoriquement encore 16 210 quantités à déboucler.

Pour FESX, les 16 17 et 18 janvier 2008 totalisent 6 905 507 quantités. 10 % de ce dernier chiffre représente 690 551 quantités. Pour 742 944 quantités à déboucler, soit 16,6 % du total. Soit théoriquement encore 52 393 quantités à déboucler.

Même en ne retenant que les 3 jours les plus volumineux précédent le débouclage, la limite de 10 % n'était pas respectée sur 3 jours.

Concrètement, les volumes ont explosé les 21 22 et 23 janvier 2008, rendant possible le respect de la contrainte de 10 %.

La Société Générale a au minimum parié sur une explosion des volumes pour les journées où la banque allait intervenir massivement sur les marchés.

Mais comment se justifier à posteriori d'un tel pari ? Personne ne lui a encore demandé de comptes sur ce sujet.

Recherche supplémentaire (du 6 juillet 2016) sur la contrainte de 10 %

C'est la note explicative de la Société Générale du 27 janvier 2008 qui indique :
" Le débouclage de la position doit donc démarrer dès le 21 janvier, de façon contrôlée et en demeurant dans les limites de volumes inférieures à 10 % afin de respecter l'intégrité des marchés."

Dans le règlement général de l'AMF en vigueur en 2016

"Section 1 - Respect de l'intégrité du marché Article 732-1
Le membre du marché agit d'une manière honnête, loyale et professionnelle qui favorise l'intégrité du marché. Il respecte notamment l'ensemble des règles organisant le fonctionnement des marchés réglementés sur lesquels il intervient."

Ce sont donc les règles qui organisent le fonctionnements des marchés concernés (Eurex et Liffe) qui prévalent.

http://www.amf-france.org/Reglementation/Reglement-general-et-instructions/Reglement-general-en-vigueur/Reglement-general.html

Bizarrement, en recherchant sur le site d'Eurex, il ne semble pas exister de contrainte limite d'intervention sur les marchés. En décembre 2013 Eurex a mis en place l'OTR (Order to Trade Ratio), visant à limiter, mensuellement, les ordres du carnet de commande relativement aux ordres exécutés.

http://www.eurexchange.com/exchange-en/technology/order-to-trade-ratio

Alors pourquoi avoir mis en avant une contrainte chiffrée ? Pour avoir un argument permettant de dire à posteriori que la baisse des cours n'a pas été accentuée par les ventes de la position de 52 milliards d'euros ?

Au premier procès, le trader Maxime Kahn qui a procédé à la liquidation des positions non-autorisées est auditionné le mardi 22 juin 2010. Je n'étais malheureusement pas physiquement ce jour-là donc je me suis appuyé sur une revue de presse exhaustive.
http://olivierfluke.canalblog.com/archives/2010/06/23/18403239.html

Dans le blog du Financial Times alphaville, Maxime Kahn dit avoir été appelé le dimanche 20 janvier 2008 par son supérieur Pierre-Yves Morlat (n+4 de Jérôme Kerviel) : venir lundi matin à 8 h déboucler les ordres d'un client pour une taille importante. Objectif, terminer l'opération le mercredi soir, avec une participation de 5 à 10 % sur les marchés.

http://ftalphaville.ft.com/blog/2010/06/22/267856/anatomy-of-an-emergency-unwind/

Dans Libération, Maxime Kahn dit s'être entendu avec Luc François (n+5 de Jérôme Kerviel) sur des ordres ne représentant pas plus de 10 % à 15 % du marché. Un recalibrage a été effectué rapidement à la baisse autour de 7 %.

http://www.liberation.fr/futurs/2010/06/22/proces-kerviel-au-pire-on-perdait-30-milliards-d-euros-c-etait-la-faillite-de-la-banque_660928

Alors 5 à 10 % ou bien 10 à 15 % ?

Au procès en appel, le trader Maxime Kahn qui a procédé à la liquidation des positions non-autorisées est à nouveau auditionné, le jeudi 14 juin 2012. J'étais cette fois physiquement présent.
http://olivierfluke.canalblog.com/archives/2012/06/15/24503429.html

Maxime Kahn dit avoir été appelé le dimanche 20 janvier 2008 à 20h :, qu'il s'agissait d'être à 8 heures du matin le lendemain dans une salle de réunion pour vendre des futures pour couvrir un client ; quel volume faire pour ne pas impacter le marché de 15 % maximum sur les futures Dax Eurostoxx 50 et Footsie ?

Le marché étant très volatile, par prudence, Luc François (n+5 de Jérôme Kerviel) lui demande de recalibrer à la baisse le pourcentage d'intervention à moins de 10 %.

L'avocat Karel Kanoy lui demande si la réglementation AMF limite les pourcentages d'intervention . Maxime Kahn répond que cela n'est pas prévu par l'AMF lui semble-t-il.

La Cour de Cassation, dans son arrêt du 19 mars 2014, fait référence à la contrainte de 10 % sur les volumes pour s'en servir d'explication au fait que tous les futures Dax n'ont pas été cédés avant mercredi 23 janvier au soir :

Or il s'agissait de 10 000 contrats environ. Le volume FDAX du mercredi 23 janvier étant de 445 223, cela donne 2,25 %. Or le volume total débouclé ce jour-là sur le future Dax s'élevait à 6,1 % selon la Société Générale. Il y avait donc de la place relativement à la pseudo-contrainte de 10 % dé terminer le travail. L'argument retenu par la cour de Cassation n'est donc pas pertinent.

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